Par Carine Puyon
Dernière mise à jour : décembre 2018

L’inventaire scientifique des collections est l’un des critères obligatoires pour l’agrément d’un musée par le ministère chargé de la Culture (direction des musées de France). Il s’applique à l’ensemble des collections, quel que soit le domaine concerné ou la technique de fabrication.

1. Définition

1.1. Qu’est-ce qu’un inventaire ?

L’inventaire a pour but d’assurer la conservation administrative et de préserver l’identité des objets acquis par les musées ou qui y sont déposés.

L’inventaire établit de façon indubitable qu’un objet appartient au musée ou que celui-ci l’a reçu en dépôt de la part d’un tiers.

Cet objet, du fait de son entrée dans une collection publique, relève alors de la domanialité publique, régime juridique propre au patrimoine public.

Ce patrimoine se trouve ainsi soumis à deux règles fondamentales :

  • l’inaliénabilité : les collections ne peuvent être ni vendues, ni données, ce qui est conforme à la déontologie des musées (conservation des œuvres) ;
  • l’imprescriptibilité : en cas de perte ou de vol, les œuvres appartenant au domaine public peuvent être récupérées sans limite de temps, entre les mains du nouveau possesseur, même si celui-ci est de bonne foi.

L’inventaire est aussi un document administratif spécifique qui permet à la collectivité propriétaire d’identifier et de gérer ses collections dans de bonnes conditions.

L’inventaire constitue également un document de référence obligatoire pour toute étude ou tout classement entrepris par le musée.  Le numéro d’inventaire permet l’identification exacte de tout objet appartenant aux collections du musée, sans risque d’erreur ou de confusion. Il est donc le garant de l’identité d’un objet.

1.2. Que doit-on inventorier ?

L’inventaire s’applique aux objets de toute nature relevant des collections du musée : peintures, sculptures, dessins, gravures, médailles, objets ethnographiques, objets d’art mobilier, objets archéologiques, techniques, photographies, etc.

Il exclut en principe les moulages, mais ceux reproduisant un original disparu ou détruit et ayant pris ainsi valeur d’original, peuvent être, à ce titre uniquement et sous réserve que soit mentionnée la nature exacte du moulage, inclus dans l’inventaire.

Deux types d’inventaires sont à mettre en place dans un musée :

  • pour les acquisitions (avec un numéro d’acquisition) ;
  • pour les dépôts (avec un numéro de dépôt).

Si les objets inventoriés bénéficient d’une protection au titre des monuments historiques, il convient, dans l’inventaire, d’en indiquer la nature et la date.

1.3. Qui fait l’inventaire ?

L’inventaire relève du travail du conservateur.

Cette tâche requiert en effet une grande rigueur et des connaissances solides permettant d’identifier avec précision les objets, de les décrire selon les termes scientifiques les plus adaptés.

Plusieurs étapes accompagnent et complètent le processus d’inventaire :

  • la rédaction d’un bordereau de saisie des données (ou minute d’inventaire) ;
  • l’inventaire photographique (photo d’ensemble et vues de détails, si nécessaire) ;
  • la constitution du dossier de l’objet, incluant l’ensemble de la documentation qui a pu être recueillie sur l’objet, en particulier les publications où il est mentionné, ainsi que les éléments de comparaison qui ont pu être découverts, les correspondances avec les chercheurs, les factures, les arrêtés d’acquisition, les dessins, etc. ;
  • la création de fichiers annexes, tels les fichiers comprenant les noms d’auteurs, les noms de lieux d’origine, les thèmes représentés, les noms des donateurs ou des vendeurs, etc. ;
  • la vérification est l’étape finale. Il est en effet indispensable de contrôler les transcriptions dans le registre d’inventaire afin qu’aucune erreur n’ait pu s’y glisser par inadvertance.

2. Composition de l’inventaire

2.1. Le numéro d’inventaire

Le numéro d’inventaire peut être décomposé en plusieurs éléments :

  • l’année d’entrée : les trois chiffres du millésime de l’année d’entrée débutent le numéro ; ainsi, le chiffre 994 sera affecté à tous les objets entrés dans les collections du musée en 1994 ;
  • le numéro de collection : il y aura autant de numéros, de 1 à x, que d’objets ou de séries d’objets acquis pendant l’année ;
  • le numéro d’ordre de l’objet dans la série : ainsi 994.3.56 sera le 56e objet de la 3collection acquise en 1994.

Exemple : lorsque l’objet se compose de plusieurs parties (une soupière et son couvercle, par exemple), on rajoute après le numéro de l’objet un chiffre entre parenthèses (ex : 56 (1) pour la soupière, 56 (2) pour le couvercle).

Pour les dépôts, la numérotation obéit aux mêmes règles que pour les acquisitions, en rajoutant la lettre D (= dépôt) devant le numéro.

L’inventaire rétrospectif concerne les objets entrés anciennement dans les collections et non inventoriés.

La règle est alors la suivante : l’objet est pris en charge à l’inventaire de l’année en cours. Le numéro de collection, en revanche, sera remplacé par 0.

L’inscription de ces objets, dont la situation se trouve ainsi régularisée progressivement, est faite à la fin de l’année, à la suite des acquisitions courantes.

Si, dans une commune, il y a plusieurs musées distincts, on peut, pour harmoniser les inventaires, proposer de compléter le numéro d’inventaire par un numéro se référant à chaque établissement et qui viendrait en tête du numéro d’inventaire précédemment défini.

2.2. Un registre spécifique

Le registre d’inventaire est un cahier au format à l’italienne, de 315 x 240 mm, à couverture cartonnée résistante.

Les notices sont à rédiger à l’encre de Chine et les noms de lecture difficile (noms de lieux, de personnes, mots d’utilisation peu fréquente) doivent être inscrits en majuscules, afin d’assurer une lisibilité parfaite.

La pagination est faite, dès l’ouverture du registre, par page (et non par feuillet) sans lacune et sans bis.

Le total des pages est consigné en tête de registre avec la formule suivante :

  • Ce registre contient … pages ;
  • Ouvert le … ;
  • Clos le … (signature du conservateur).

Tout grattage, gommage ou effacement chimique est interdit. Les seules corrections autorisées sont celles que le conservateur reconnaît comme indispensables.

Rédigées à l’encre rouge, elles sont complétées, pour régularisation, du paraphe du conservateur ou du conservateur en chef.

Il est déconseillé d’utiliser des abréviations dans le fil du texte. Si elles sont compréhensibles par vous, elles ne le seront pas forcément par les personnes qui seront amenées à travailler sur les registres d’inventaire. Toutefois, si leur emploi était nécessaire, il conviendrait d’en indiquer la signification exacte en début du registre.

La mention d° ou dito peut être employée à condition qu’on répète en tête de chaque page les dénominations de rubriques pour éviter toute erreur lors des recherches ultérieures.

Chaque acquisition ou dépôt est séparé du suivant par un trait horizontal, tiré sur toute la longueur des deux pages du registre.

Sur la couverture figure l’étiquette d’identification du registre :

  • Musée … ;
  • Registre d’inventaire n°… ;
  • Acquisitions ou dépôts.

La conservation des registres d’inventaire doit faire l’objet de soins particuliers. Il est conseillé de les ranger dans une armoire solide, fermée à clef et pouvant résister au feu un temps minimum (si possible les ranger dans un coffre-fort situé de préférence hors du musée, afin d’éviter, en cas d’incendie, la destruction simultanée de l’inventaire et des collections).

Par ailleurs, si les fichiers doivent être accessibles à tous, la consultation des inventaires doit être réservée au personnel scientifique et aux chercheurs dûment autorisés par le conservateur.

2.3. Les rubriques détaillées

Le registre d’inventaire se présente sous forme de colonnes, dont chacune concerne un élément d’identification de l’objet inventorié. Il est indispensable de les remplir toutes avec soin.

  • Mode d’acquisition : Don, legs, achat.
  • Agent d’acquisition : Donateur, testateur, vendeur, fouilleur. Pour les personnes physiques : prénom et nom (en lettres capitales), avec la mention M., Mme ou Mlle, ainsi que l’adresse aussi précise que possible. Pour les personnes morales : dénomination précise et adresse. Le registre Dépôt indiquera ici le nom du déposant et ses qualités.
  • Date d’acquisition ou de dépôt : la date complète doit être transcrite (ex : 16 janvier 2014).
  • Prix ou estimation : s’il s’agit d’un achat, indiquer le prix payé ; pour un don ou un legs, préciser la valeur estimative. Cette rubrique est plus importante qu’on ne peut l’imaginer au premier abord, puisqu’elle permet de disposer d’une base pour l’assurance des collections.
  • Numéro d’inventaire
  • Description de l’objet. La rubrique descriptive doit toujours être remplie avec soin, en utilisant des termes techniques appropriés. Elle doit comporter :
    • la désignation usuelle de l’objet, complétée éventuellement par des indications sommaires (ex : commode à deux tiroirs, cruche à eau). Si un nom usuel existe dans une langue autre que le français, il est utile de l’indiquer à la suite du terme français ;
    • sa description, portant sur toutes les caractéristiques de l’objet : forme, décor, inscriptions, signature, date, marque, etc.
  • Matière et technique : elles doivent être indiquées avec le maximum de précision (ex : peinture à l’huile sur toile). En cas d’incertitude, faire suivre la mention portée d’un ou deux points d’interrogation, selon le degré d’incertitude.
  • Dimensions. Les mesures sont généralement exprimées en millimètres.
    • objets divers : selon les dimensions principales d’encombrement (hauteur, longueur, largeur, épaisseur, diamètre) ;
    • estampes : dimensions de la feuille, de la plaque, de la partie gravée ;
    • objets obéissant à des règles précises de mensuration ;
    • poids et titre pour les objets en matière précieuse.
  • Auteur : Nom et prénom et, si l’auteur est vivant, son adresse. Des points d’interrogation peuvent indiquer le degré d’incertitude.
  • Description de l’objet
  • Date de fabrication de l’œuvre. Au cas où plusieurs dates pourraient caractériser l’objet, préciser de quelle date il s’agit (œuvre originale, édition, etc.). En cas de doute, le point d’interrogation est de rigueur.
  • Provenance : La plus grande précision est souhaitable (pays, province, département, commune). Éventuellement, il est intéressant de préciser le lieu-dit, voire la partie cadastrale (en particulier pour les objets provenant d’une collecte de terrain). La provenance peut comporter :
    • la provenance d’exécution (lieu où l’objet a été fabriqué) ;
    • la provenance de fonction ou d’utilisation (lieu où l’objet a été utilisé) ;
    • la provenance de collection (avec les anciens numéros de collection s’ils sont connus).
  • Catalogue : ce numéro de référence renvoie au catalogue des collections, s’il en existe un.
  • Observations : indiquer au crayon l’emplacement de l’objet dans le musée ou son dépôt à l’extérieur. Cette rubrique peut servir aussi à indiquer la bibliographie de l’objet.
  • Dépôt. Le registre Dépôt comporte une colonne particulière avec la date éventuelle de retrait. Pour les corrections éventuelles, écrire ou barrer à l’encre rouge et réduire ces corrections au minimum.

3. Tenue de l’inventaire

3.1. Informatique et inventaire

L’informatique est devenue un auxiliaire privilégié pour l’étude et l’enregistrement des collections de musées.

Des banques de données nationales existent depuis les années 1970, regroupant les objets par technique (peintures, estampes, etc.) ou par civilisation (collections égyptiennes, grecques, romaines, etc.).

L’objectif est double :

  • interne : inventorier les collections du musée, avec la volonté de parvenir à un recensement complet des fonds ;
  • externe : permettre l’échange d’informations sur ces collections et faciliter leur étude, mais aussi leur communication au public le plus large (par le vidéodisque, par exemple).

Depuis la publication de l'arrêté du 25 mai 2004 fixant les normes techniques relatives à la tenue de l'inventaire, du registre des biens déposés dans un musée de France et au récolement, un registre d'inventaire édité grâce à l'outil informatique a la même valeur juridique qu'un registre papier.

C'est toujours l'édition papier qui possède une valeur juridique et non le support informatique lui-même. Ainsi, l'édition informatisée du registre d'inventaire d'un musée de France doit être opérée selon des modalités précises qui garantissent la fiabilité et l'infalsifiabilité des informations.

Un musée peut faire le choix d’informatiser son inventaire et d'abandonner le registre papier.

Toutefois, les registres papier précédemment utilisés détiennent toujours toute leur valeur juridique ; eux seuls font foi pour les objets qui y sont inscrits, en vertu de quoi ils doivent absolument être conservés par le musée.

Les objets qui y sont inscrits ne pourront être informatisés que sous forme de notices documentaires.

3.2. Le récolement

Le récolement consiste à vérifier périodiquement la présence des objets inscrits à l’inventaire.

Il permet de déterminer si des objets ont disparu, à la suite d’un vol ou d’une destruction et doit concerner aussi bien les objets exposés que ceux conservés en réserve.

Des procès-verbaux de destruction ou de vol doivent être dressés en cas de nécessité.

3.3. Règles à respecter

  • éviter un emplacement qui nuirait à la présentation de l’objet et choisir de préférence le dos ou le revers de l’objet ; ne jamais inscrire un numéro sur la face avant de l’objet ;
  • éviter sur l’objet un emplacement exposé aux chocs ou aux frottements ;
  • éviter un emplacement qu’une recherche raisonnable ne permet pas de découvrir (caché) ;
  • adopter pour une série d’objets de même type, le même emplacement pour l’apposition du numéro ;
  • s’il s’agit d’une peinture sur châssis, le numéro est porté traditionnellement au dos, en bas à droite, sur le châssis ;
  • l’utilisation d’étiquettes autocollantes est totalement à proscrire : elles peuvent se détacher et laisser ainsi l’objet sans référence, mais aussi endommager l’objet lors du vieillissement de la colle ;
  • pour les documents sur papier (estampes et dessins), le numéro d’inventaire doit être inscrit au crayon de graphite. Ne jamais utiliser de crayon gras et encore moins de stylo à bille. Le numéro se place au verso, en bas à droite.
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