L’organisation sportive auprès des différents publics : scolaires, clubs, publics inorganisés

Modifié par Julien Lenoir le 27 septembre 2018

Par Sylvie Rivière Le Guen
Dernière mise à jour : septembre 2018

L’organisation sportive auprès de différents publics : scolaires, clubs, publics inorganisés

Portée par une volonté politique, les actions de ces organisations diffèrent selon les époques, les territoires, les décideurs, les problématiques territoriales.

William Gasparini identifie l’organisation sportive1 à travers de multiples caractéristiques : des objectifs à différentes échelles temporelles ou un projet négocié (produit, service, formation, enseignement…), des structures qui déclinent « la division du travail, la coordination des tâches et la distribution du pouvoir », des acteurs membres de l’organisation, un environnement influençant son fonctionnement et une culture commune permettant l’existence d’un consensus formalisé dans la politique de l’organisation. Elle est composée par ailleurs « d’une multitude de sous-systèmes en interrelation dynamique ».

Sera abordée ici en priorité, l’organisation portée par une logique politique et administrative de service public et les alliances qu’engage cette organisation pour concevoir des politiques sportives territoriales (développement de pratiques socialement positives pour la population française). Si la légitimité de l’intervention publique dans le domaine sportif est acquise, il convient avec le vote du 16 juillet 2015 du projet de loi portant la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) d’amplifier la collaboration entre les différents échelons territoriaux (mutualisation des moyens, co-production de l’action locale avec un double défi de cohérence horizontale, de politique sportive incluse dans un projet territorial). Pourtant la contribution est aussi verticale car le domaine sportif reste encore une compétence partagée. Dernièrement, fin mai 2018, les perspectives de la réforme de la gouvernance du sport (« gouvernance partagée à responsabilités réparties »), voulues par La ministre des Sports, Laura Flessel, donne une place importante aux collectivités territoriales dans la gestion publique des politiques sportives en affirmant la coconstruction des politiques et la parité de représentation dans la future instance nationale chargée du haut niveau et le développement des pratiques sportives. Le pouvoir d’expertise des collectivités est enfin reconnu au-delà du simple constat les plaçant comme les principaux financeurs du sport. Dans ce cadre, participant à la réflexion, les entreprises se sont engagées en faveur du sport sans vouloir minimiser leur rôle à celui du financement. Le citoyen n’est pas en reste, il veut être convaincu du bien-fondé de l’offre sportive qui lui est offerte, des actions menées. Celles-ci devront intégrer une baisse des ressources publiques et s’intéresser à l’augmentation des pratiques « libres ». Sous l’évolution de l’environnement et des logiques de consommation, il convient d’avoir une vision globale de toutes les pratiques et cela pour chaque territoire. Le projet sport quel que soit l’échelon de collectivité, doit être conçu pour tous les habitants.

Les collectivités construisent un projet global sportif autour d’une offre éducative

Dans un contexte mouvant (évolution de la société, loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République publiée au journal officiel du 9 juillet 2013, reconnaissance des valeurs éducatives du sport…), les collectivités peuvent coordonner, enrichir l’offre éducative sportive sur le territoire local dans les temps scolaire et périscolaire.

Au service de l’Education Physique et Sportive (EPS), les relations entre écoles et collectivités locales sont formalisées : d’après la loi n°2004-809 du 13/8/2004, modifiant le code de l’Education et son article L 212-4, « la commune a la charge des écoles publiques, elle est propriétaire des locaux et en assure la construction…et le fonctionnement » (le département est en charge des collèges sur son territoire et des transports scolaires, la région est en responsabilité des lycées).Bien plus, pour assurer l'équité d'accès aux technologies de l'information et de la communication, éducation nationale et collectivités territoriales doivent œuvrer ensemble au niveau des infrastructures, des services et des ressources numériques. Pour les activités d’enseignement en EPS fixés par l’État (programmes scolaires nationaux), les communes doivent aussi s’assurer, d’installations sportives en nombre suffisant ainsi que de leurs niveaux d’adaptation. Si par exemple certains équipements se trouvent être en régie déléguée, il convient d’anticiper des conventions d’exploitation prévoyant ces enseignements obligatoires de l’EPS. D’autre part, selon l’origine de la participation de différents financeurs (commune, établissement public de coopération intercommunale, département, région), les priorités d’accès pour les installations peuvent être mises en débat et vu l’insuffisance des installations sportives sur le territoire français, créer des tensions entre les différents niveaux d’enseignement (primaire, secondaire, supérieur). Grâce au recrutement d’ETAPS, personnels qualifiés et agréés par l’Éducation Nationale (EN), les communes, même si elles n’en ont pas l’obligation peuvent intervenir selon l’article L 363-1 du code de l’éducation dans une co-intervention avec les professeurs des écoles. L’enseignement en EPS est dispensé par les personnels enseignants mais « toutefois, un personnel qualifié et agréé peut assister l’équipe pédagogique avec son accord et sous la responsabilité de celle-ci » Cette action conjointe entre l’intervenant extérieur et l’enseignant se construit autant didactiquement que pédagogiquement (le travail effectif reste sous l’autorité pédagogique de l’enseignant) et s’élabore lors de la conception d’un projet pédagogique d’école(s) (cela peut être un projet départemental) décliné en projets de classe. Mettant en évidence des besoins notamment en compétences techniques, l’ETAPS devient un incontournable pour accompagner les activités d’enseignement/apprentissage, la co-intervention peut être alors ponctuelle, sur un cycle, sur une année. Des conventions, précisant le rôle de chacun sont alors passées entre l’employeur des intervenants qualifiés qui est souvent une collectivité territoriale et selon le champ d’extension de son champ d’implication, l’Inspecteur d’Académie, le directeur académique des services de l’Éducation Nationale (DASEN) ou l’Inspecteur de l’EN de circonscription (IEN) et contresignées par le directeur d’école. Cette contribution s’exerce diversement selon les territoires, chaque conseil délibérant décide des orientations politiques en matière sportive sur un mandat et des moyens qu’il veut allouer à ces interventions scolaires (nombres d’emplois et volume horaire consacré). Le sujet de la natation scolaire est plus sensible puisque La circulaire interministérielle n° 2017-116 du 6-10-2017 abroge la circulaire 2011-090 du 7 juillet 2011 en distinguant plusieurs cas de figures (sortie scolaire, encadrement renforcé et enseignement de la natation),  elle réaffirme que savoir nager est un enjeu fondamental de l’éducation (sécurité, santé, accès aux pratiques sociales). Il en est de même dans le cadre d’activités nécessitant un encadrement renforcé (cadre règlementaire pour assurer la sécurité notamment sur les activités de pleine nature et nautiques). Elles permettent aux écoles d’être ouvertes sur le monde extérieur et aux élèves de découvrir les richesses d’un territoire local.

Malgré le contexte de questionnement sur l’impact réel de l’éducation dispensée dans un cadre national et de restrictions budgétaires pour les collectivités, l’enseignement en EPS auprès des écoles primaires reste encore une mission valorisée par de nombreux services municipaux des sports car les collectivités ont été très tôt associées au développement du service public d’éducation (loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989). On peut s’interroger sur la légitimité de l’intervention des ETAPS à l’école primaire et donc leur mise à disposition par la collectivité. Elle est validée par le fait que ces professionnels peuvent être des acteurs centraux pour assurer la cohérence des contenus et démarches dans un projet sportif global intégrant l’EPS, les activités périscolaires et extrascolaires sur un territoire.

Dans le cadre des activités périscolaires (champs artistique, culturel, sportif, scientifique, environnemental…), on constate aussi l’évolution du service public éducatif au regard de la mise en place de politiques éducatives locales nouvelles. Le code de l’éducation Art. L216-1 autorise « l’organisation des activités éducatives, culturelles et sportives » par les collectivités, ces services restaient avant 2013 facultatifs et complémentaires des obligations scolaires définies par l’Etat, ils sont souhaités par les familles pour « occuper » l’enfant, le prendre en charge en dehors du temps scolaire dans une éducation globale permanente. La conférence nationale sur les rythmes scolaires avait donné lieu à un rapport de synthèse publié en janvier 2011 : il proposait pour améliorer les conditions de vie et d’apprentissage des élèves de revoir le pilotage entre responsables scolaires nationaux et locaux d’une part et les collectivités locales d’autre part, pour s’adapter aux différents contextes locaux, éviter la « guerre des temps » et donc mieux concilier temps scolaire, temps familial, temps social et temps périscolaire. Il invitait à une évaluation conjointe des coûts de la politique éducative et, dans le souci d’équité sur le territoire, à une régulation de l’Etat. L’éducation est un cadre collectif car elle est l’affaire de tous. Un cadre national favorisant les ambitions éducatives des territoires a été initié par le décret du 24 janvier 2013 fixant de nouveaux principes pour l’organisation du temps scolaire. Il est complété par celui du 8 mai 2014 autorisant des expérimentations et donc des assouplissements adaptés aux réalités locales. C’est, dès la rentrée 2013, qu’une concertation forte entre les services de l’Éducation Nationale (DASEN) et les collectivités s’est engagée (commune ou EPCI pour les écoles sur leur territoire). La nouvelle organisation des temps scolaires l’imposait pour élaborer la complémentarité des temps sur la journée en tenant compte des situations locales (offre périscolaire, ressources culturelles, associatives, transports scolaires…). Voulant garantir l’égalité, la citoyenneté et surtout une école plus juste, la loi pour la refondation de l’école de la République en modifiant les rythmes scolaires, a créé l’allongement du temps périscolaire et donc des activités organisées dans ce cadre et gérées par les collectivités : « des activités périscolaires prolongeant le service public de l'éducation, et en complémentarité avec lui, peuvent être organisées dans le cadre d'un projet éducatif territorial associant notamment aux services et établissements relevant du ministre chargé de l'éducation nationale d'autres administrations, des collectivités territoriales, des associations et des fondations (…) » selon l’article L551-L du Code de l’Éducation. Malgré un fond d’aide national de soutien de 250 millions d’euros en 2013/ 2014, de 372 millions d’euros en 2014/2015 pour un peu plus de 22600 communes (les aides de la CAF sont conséquentes et s’ajoute au fond d’aide, soit 430 millions en 2014), ce transfert de responsabilité a entrainé de nombreuses difficultés logistiques, financières, de compétences et de transports sur les lieux d’activités. L’aide forfaitaire par enfant est plus conséquente pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine cible (DSU-cible) ou à la dotation de solidarité rurale cible (DSR-cible), en mars 2016 « 370 communes » bénéficiaient de cette dotation majorée. Le comité de suivi sur la réforme des rythmes scolaires note des points de satisfaction et cela surtout pour les communes qui avaient déjà initié depuis des années une politique éducative de qualité et pour celles qui ont mis la formation des intervenants au cœur des dispositifs. Les éléments négatifs sont liés à une réorientation de certains budgets communaux privant de ressources d’autres secteurs, au manque de concertation pour permettre la complémentarité et la continuité des temps éducatifs, l’inégalité des dispositifs sur le territoire français. La maternelle est le maillon faible de cette organisation à cause de l’inadéquation des propositions aux besoins des enfants. Depuis, en juin 2017, avec la décision du  gouvernement actuel de laisser aux acteurs locaux le choix du rythme scolaire (décret n°2017-1108 du 27 juin 2017 relatif aux dérogations à l’organisation de la semaine scolaire), les communes ont pu revenir à la semaine des 4 jours. Elles seront encore plus nombreuses à la rentrée 2018 (plus de 80% selon l’association des Maires de France), les temps d’activités périscolaires seront sur 4 jours très difficiles à mettre en place et à maintenir car ils doivent répondre à une exigence pédagogique de qualité  et un coût faible pour être accessible à tous les budgets, or pour les communes ayant adoptées une organisation du temps scolaire sur quatre jours, le bénéfice du fonds de soutien n’est pas maintenu car la convention de PEdT qui, à la rentrée 2017, conditionne le bénéfice du fonds, doit être résiliée suite à la constatation de sa caducité. Le ministère travaille actuellement à l’élaboration d’un « Plan Mercredi » afin d’accompagner les collectivités dans la proposition d’activités de qualité pour tous les enfants. L'accueil de loisirs organisé le mercredi sans école deviendrait un accueil périscolaire de loisirs dont les taux d'encadrement sont fixés compte tenu de l'âge des enfants, de la durée de l'accueil de loisirs et de la conclusion d'un projet éducatif territorial (PEdT) permettant l'organisation d'activités. Un décret daté du 23 juillet 2018, paru au JO du 25, en fixe les règles qui s'appliqueront dès la rentrée scolaire 2018/2019.

Le projet éducatif territorial (PEdT), outil de la concertation sur la question éducative (conception multipolaire du champ éducatif dans lequel interviennent de nombreux acteurs sur des temps et des espaces hétérogènes pour agir en complémentarité) devrait permettre de mobiliser toutes les ressources d’un territoire et répondre à des enjeux tant éducatifs que sociaux et territoriaux, il formalise une démarche permettant un parcours éducatif cohérent, avant, pendant et après l’école. Il peut s’articuler avec d’autres dispositifs déjà existants dans les communes concernées : projet éducatif local (PEL), contrat éducatif local (CEL), contrat de ville, dispositifs culturels, contrat enfance-jeunesse conclu avec la CAF, accompagnement éducatif. Le ministère a fait un point d’étape en juin 2015 : 14000 communes sont couvertes par un PEdT, 75% mettent en œuvre des APS et pour la moitié, les 3h d’activités périscolaires sont gratuites pour les parents. L’enjeu est de le généraliser à 19 000 communes à la rentrée 2015/ 2016 d’autant qu’il permet de prétendre au fond de soutien. A la rentrée 2016/2017, 92% des communes disposant d’une école ont proposé des activités périscolaires dans le cadre d’un projet éducatif territorial (PEDT), selon le site du gouvernement.

Si l’État s’est engagé dans la création d’un service public du sport scolaire encadré par des enseignants, ces activités volontaires qui se différencient de l’enseignement obligatoire en EPS ne sont qu’encouragées dans le premier degré, sous l’égide d’une fédération du sport scolaire : l’Union Scolaire de l’Enseignement du 1° degré (USEP). Le chiffre de 14% d’élèves y participant, donné dans un rapport de la cours des comptes en janvier 2013, laisse à penser que l’USEP n’est pas un partenaire privilégié des élus et que d’un territoire à l’autre, selon les sensibilités de ceux-ci et le contexte local, des stratégies différentes sont mises en place. Les conventions le plus souvent signées entre les communes et les comités départementaux USEP, le sont pour animer les quartiers ou organiser des rencontres le mercredi après-midi (il suffit que les écoles soient affiliées) et notamment dans les quartiers prioritaires car souvent les enfants n’ont pas la chance de pouvoir s’inscrire dans des clubs sportifs. Les collectivités peuvent alors mettre à disposition des installations, rémunérer des animateurs USEP ou verser des subventions aux associations USEP, elles gardent ainsi la main sur des activités ouvertes à tous sans s’appuyer forcément sur le réseau associatif. Un dossier de la revue « en jeu »2 montre que l’USEP trouve davantage sa place dans les villes moyennes et rurales car faute de moyens, elles ne développent pas une politique éducative et sportive aussi riche que dans les grandes villes. Les conseils départementaux encouragent par des subventionnements ce soutien au sport scolaire et finance les transports pour les rencontres. En milieu rural les associations USEP se regroupent pour mieux dialoguer avec l’administration publique locale et porter des projets regroupant de nombreux enfants et donc porteur d’une image dynamique pour les municipalités.

Pour développer l’USEP et favoriser son enracinement territorial, une convention signée le 17 novembre 2017 avec l’Union nationale du sport scolaire (UNSS) sous l’égide du ministère de l’Éducation nationale crée les conditions d’une étroite coopération entre les deux fédérations sportives scolaires et valorise la continuité du parcours sportif de l’enfant. L’ambition est de rendre la jeunesse plus active et sportive à l’horizon des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. L’USEP, l’UNSS, les ministères de l’Éducation nationale et des Sports et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) deviennent donc partenaires pour tenir cet objectif.

Les collectivités territoriales exercent diverses activités de soutien notamment auprès des associations

D’après les données de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (l’INSEE), La France comptait 1,3 million d'associations actives en 2013. Elles interviennent principalement dans quatre domaines : le sport (24% soit 307500), les loisirs, la culture et la défense de causes, de droits ou d'intérêts. Les associations recourent largement au bénévolat, les subventions publiques représentent la part plus importante de leur budget. Présentée sur le site de Localtis3 le 13 mars 2015, une enquête de l’association nationale des élus en charge du sport (Andes) révèle que près d’un quart des communes ont réduit leurs subventions aux associations sportives pour la saison 2014/ 2015 et cela dans le cadre de la baisse des dotations de l’État aux collectivités. Pourtant l’évolution de la politique de subventionnement est à relativiser tant l’utilité sociale du mouvement sportif n’est plus à démontrer et que le soutien financier n’est pas la seule forme d’aide possible.

Les communes sont les plus généreuses en termes de subventions, devant l’État puis les départements. Le code du sport (art L 100-2) légitime l’intervention des collectivités territoriales aux côtés de l’Etat et des associations. La commune est dotée de compétences qu’elle exerce de plein droit, mais lors des lois de décentralisation, la compétence sport n’a pas été édictée ainsi c’est par la clause de compétence générale qu’elle inscrit ses interventions dans le secteur sportif avec une relative autonomie de décision et notamment pour le soutien aux associations et clubs sportifs4 amateurs (le secteur privé a lui largement investi le sport professionnel). Grâce à cette liberté d’intervention et traditionnellement, les élus offrent leur soutien au développement de la pratique des APS, promu par les associations sportives. En juin 2012 la cour des comptes5 donne le chiffre de 180 000 associations sportives structurées dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901, la plupart ne sont pas soumises à un système juridique particulier (cadre du droit commun des associations). Elles restent très hétérogènes dans leurs caractéristiques (associations ou clubs sportifs, finalités poursuivies, encadrement bénévole ou/et professionnel, taille, nombre et âge des adhérents ou licenciés, nombre et nature des  APS, implantation locale physique, notoriété, ancienneté, possibilités d’évolution…). Elles sont souvent des partenaires naturels incontournables pour répondre au développement sportif d’un territoire car elle porte un modèle universel de pratique, tente de satisfaire aux attentes des pratiquants dans leur diversité et porte la mission d’une réduction des inégalités sociales et territoriales d’accès au sport. Cette participation à la dynamique d’un territoire ne doit leur faire perdre le sens associatif qui donne vie à l’action collective dans ces organisations. Pour développer la cohérence des actions et servir les orientations de politique sportive choisies par les élus, un cadre légal et réglementaire permet de formaliser les relations entre une commune et les associations locales afin de préserver leur mobilisation de proximité et éviter les risques de gestion de fait et de requalification. Les leviers d’aide sont nombreux : soutien financier, mise à disposition en personnel et locaux, fourniture de matériel ou en transport, les outils formalisés dans un ouvrage par Patrick Bayeux6 sont variés : chartes ou conventions cadres, contrats ou conventions d’objectifs ou de partenariat, conventions spécifiques.

Les débats autour de la loi relative à l’économie sociale et solidaire (loi ERS) donnent en juillet 2014 une définition législative à la notion de subvention en la basant sur le critère de l’initiative. Dans l’article 59 de cette loi, il est défini qu’elle porte un caractère facultatif pour celui qui la prend en charge renvoyant donc à un choix politique en définissant les contours de ce qui est d’intérêt général au niveau local et permet de sécuriser les relations entre collectivités territoriales et associations. Elle concerne un projet d’intérêt général ou une action de formation des bénévoles. Elle existe simplement pour des actions, des projets, des activités à la seule initiative des associations qui poursuivent ainsi des objectifs qui leurs sont propres et construisent un contenu en adéquation. Ceux-ci peuvent croiser ceux déclinés dans une politique publique locale. La collectivité peut ainsi faire « appel à projet » sans prendre d’initiative sur les propositions attendues (circulaire du 18/11/2010), le contraire imposerait une procédure de commande publique qui appelle à la mise en concurrence préalable (appels d’offre dans le cadre de marchés publics ou délégation de service public).

Les documents et procédures se sont progressivement uniformisés. La répartition des ressources peut se construire sur des normes. La ville d’Évreux7 propose des subventions de fonctionnement calculées sur la base de critères de répartition (nombres d’adhérents et de licenciés, vitalité dans la vie compétitive, qualité de l’encadrement, capacité d’autofinancement), ils servent au fonctionnement, à l’investissement ou à des projets identifiés. Pour nourrir l’image et le dynamisme de la ville, elle crée aussi une subvention promotionnelle sur présentation d’un cahier des charges en lien avec une promotion, une animation, une manifestation sportive. Enfin une subvention exceptionnelle, gérée par l’élu chargé des sports peut être débloquée à tout moment. Chaque collectivité est ainsi libre de définir au regard des missions qui l’animent des critères personnalisés pour construire de réels partenariats. Pour obtenir ce soutien, les associations doivent se professionnaliser pour gagner en légitimité et assumer différentes démarches : clarifier leurs objectifs, leur projet social en lien avec l’intérêt général, définir l’objet de la demande d’aide, constituer un dossier (le département peut accorder des subventions aux associations dont les actions s'inscrivent dans son champ de compétences obligatoires ou de ses politiques d'intervention), envisager un conventionnement déterminant les droits et obligations de chacun (obligatoire pour toute subvention supérieure à 23 000 euros ou lorsque l’association organise des spectacles vivants), établir bilans et comptes rendus financiers notamment pour l’emploi de subventions permettant ainsi un contrôle de l’activité, montrer une approche préventive et citoyenne dans leurs pratiques et celles de leurs adhérents. S’il existe de nombreuses formes de conventions (d’occupation du domaine public pour la mise à disposition d’équipements selon l’article L.2144-3 du code général des collectivités territoriales, de mise à disposition de matériels, de mise à disposition de personnel pour des agents titulaires ; la mise à disposition ne va pas forcément dire gratuité mais il peut y avoir valorisation des aides indirectes), Jean-Marc Gillet8 évoque une convention « cadre » comme outil global de l’ensemble des relations que les collectivités peuvent entretenir avec les associations locales. D’autres collectivités préfèrent la logique de projets à celle de partenariats mettant en avant les axes sociaux des projets : développement du sport pour tous, d’activités en direction de publics cibles (femmes, jeunes, personnes en situation de handicap) ou d’activités porteuses de valeurs (sport / santé, sport / intégration, sport / éducation…). Dans cette dialectique, les associations ne doivent pourtant pas être considérées comme des prestataires de services, le respect du projet associatif doit être préservé face au risque d’instrumentalisation.

Ces décisions et le nouveau cadre réglementaire qui les accompagne sont le résultat d’une vaste réflexion sur le soutien aux associations et les risques juridiques que créent les relations collectivités / associations. Il y a eu une volonté d’aide à la rationalisation de l’activité des associations recevant des fonds publics parallèlement à celle de l’action publique, de rendre les choix politiques plus cohérents, les arbitrages transparents (attribution plus équitable) et de stabiliser les relations sur le long terme et cela malgré le renouvellement des élus à la suite d’élections (toute suppression ou réduction de l’aide à des conséquences certaines pour la survie des associations). Pour compenser la réduction des subventions, les communes ont été plus généreuses sur les aides indirectes en 2014 / 2015 car elles ont la volonté de préserver la vitalité du mouvement sportif dont les ressources sont largement d’origine publique même sans attribution de droit. Elles ont d’autre part bien compris le rôle fondamental des associations dans l’animation de la cité (d’un point de vue citoyen, éducatif, économique, social, culturel) en favorisant ou complétant l’action des services publics locaux. A partir d’un état des lieux, l’approche des services des collectivités peut rester globale pour faciliter la mise en œuvre et le suivi des dossiers, une entité administrative « commune / associations » peut se constituer. Cette vision systémique permet à l’ensemble des associations d’un territoire, d’échanger, de construire collectivement des actions complémentaires ou solidaires, de faire vivre des forums d’associations, de fédérer ou mutualiser des ressources et des compétences, de construire des passerelles vers les autres pour répondre à des problématiques de territoires (leur champ d’action tend à se diversifier). La charte des engagements réciproques entre État / collectivités / associations est une référence et un outil majeurs pour tous et en outre pour les acteurs associatifs dans leur dialogue et leurs relations avec les pouvoirs publics (pour exemple, la charte d’engagement : conseil départemental et associations en Seine Saint Denis ou ville et associations pour Rennes). Si les associations sont des acteurs de développement, elles sont aussi porteuses d’innovations culturelles. Par exemple, le croisement des champs du sport, de l’art et de la culture modifie le paysage des pratiques de loisirs et permettent grâce à des politiques transversales et partenariales d’exploiter la richesse éducative et citoyenne de ces pratiques pour promouvoir un quartier, un territoire, un projet créatif, le vivre ensemble9.

Les collectivités accompagnent le développement de pratiques émergentes en agissant sur l’aménagement territorial

Á la fin du XXsiècle, sous l’effet concomitant, de bouleversements socio-culturels, démographiques (crise culturelle lors de mai 1968, renouvellement des générations…) et de l’impact de l’environnement propre au champ sportif (médias, technologie, secteur marchand, nouveaux acteurs, évolution de la demande du public …) un élargissement du « système des sports » se profile avec toutes sortes de « contre-cultures ». Christian Pociello10 nous offre un cadre de réflexion pour apprécier la transformation des pratiques sportives et envisager des éléments constructifs pour l’avenir du sport et la prise en compte de ces facteurs pour concevoir l’action publique autour du développement local. L’auteur envisage 4 tendances lourdes d’une transformation du système de pratiques : leur « massification » doublée de leur diversification, ces phénomènes vont se prolonger avec la  personnalisation, l’individualisation  des pratiques de loisir, l’écologisation, l’agoraphilie et la forme aventureuse des activités. Pociello envisage trois autres orientations : la « féminisation » des pratiques, « l’augmentation des cycles de vie sportifs » et « la recherche par les citadins de formes d’organisation à faibles contraintes ».

Cette approche prospective trouve des points de convergence avec la dernière enquête11 « le temps libre des Français dédié au sport » du ministère de la jeunesse et des sports et de la vie associative en 2010 (aujourd’hui ministère des Sports) et d’autres enquêtes nationales sur les loisirs (INSEE). Elle confirme la mutation du profil du sportif et la métamorphose de la scène sportive. Au-delà des phénomènes établis de massification ( 65% des individus âgés de 15 ans et plus déclare pratiquer au moins une fois par semaine et 20% une seule fois par semaine), de segmentation (formes différentes de pratiques selon les âges, les genres, les groupes sociaux) , de diversifications de pratiques fondées sur la singularisation des individus (importations, combinaison, hybridation, technologisation…) et de leur modalités, on pressent à la lecture d’autres analyses sociologiques que le sport « institué », affilié aux fédérations, « organisé », « standardisé » s’enrichit d’un modèle complémentaire, d’un sport loisir « libre », « émergent », « auto-organisé » ou « inorganisé », « informel », « sauvage », caractéristique en partie d’une désaffiliation sportive, surtout pour les populations d’adolescents et de jeunes qui ont initié ce mouvement pour s’émanciper et s’affirmer.

Selon Armand Zouari12, les inconditionnels de l’auto-organisation se donnent « toutes les possibilités d’une pratique discontinue voire épisodique, au jour le jour dans une relation à autrui qui peut se faire ou se défaire, sur les critères de la proximité physique ou d’autres purement affectifs ». «  Une dynamique de diversifications des pratiques, de parcellisation des pôles d’intérêt, de choix multiples, anime aujourd’hui nombre de pratiquants qui n’hésitent plus à revendiquer le droit à la versatilité et au libre choix des modalités de leur pratiques ».

Depuis 1980, loin des lieux traditionnels, l’engouement est réel pour les sports de pleine nature, de glisse (roller, patinette, skateboard), de rue (double-dutch, urban training, street workout), de culture urbaine (hip-hop, parkour), d’aventure en même temps qu’apparaissent de nouvelles manières de pratiquer des sports traditionnels (ski hors-piste, VTT, trial…). Les règles d’organisation sont le libre arbitre, l’absence d’encadrement, un milieu non codifié et choisi, des systèmes d’échange modulés en fonction des acteurs pour laisser place à l’accomplissement individuel. Jean-Pierre Augustin13 propose une analyse des espaces ouverts selon leurs fonctions premières, ils sont détournés pour la pratique sportive de loisir, « Les espaces dits urbains.(parkings, places, rues, escaliers…), les espaces piétonniers et cyclistes (allées, pistes cyclables, berges…), les espaces de détente (plages, jardins, spots, ...), les espaces naturels de loisir (bois, parcs, falaises, montagnes…) et les espaces dits sportifs (aires de jeux, plateaux sportifs…) ». L’usage de l’autorégulation s’est amplifié avec l’expression de l’évolution de la demande des pratiquants parallèlement à celle des modes de vie, de la mise en évidence des mobilités, de la valorisation du corps, de son entretien, de son esthétique, d’individuation et de l’émergence de nouvelles valeurs sociétales soutenue par la digitalisation du sport.

Selon la note d’analyse14 du ministère des Sports de mai 2018, la France compte plus de 310 614 équipements sportifs, soit 47 pour 10 000 habitants en moyenne (Recensement des équipements sportifs, espaces et site de pratiques au 12/12/2017) mais les pratiques sportives dans les espaces urbains s’orientent vers une plus grande autonomie. Puisqu’ils ne peuvent négliger l’existence de ces pratiques, les collectivités dans un partenariat avec le monde sportif et artistique doivent envisager de nouveaux axes de réflexion et d’action :

o    en structurant leur offre ou leurs services. Les communes et leurs groupements vont devoir évoluer vers davantage de coopération contractualisée avec les associations et de partenariat avec le secteur sportif, culturel ou marchand pour répondre à la demande de pratiques émergentes et certainement accompagner à la structuration et à la valorisation de ces champs de pratique (le parkour qui fait partie des sports urbains est un cas d’école). Ces activités peuvent être un véritable vecteur de développement local, le surf en est un bon exemple, l’aménagement des parcs comme lieux d’activités récréatives ou en lien avec la santé, un autre. Il convient aussi de reconsidérer les projets d’interventions ou d’animation : de nombreuses villes se sont emparées par exemple de la mode du roller pour organiser des déplacements collectifs tous styles confondus (skate, trottinette, roller…) dans les rues en prévoyant encadrement et sécurité

o    En proposant des équipements adaptés, divers, multifonctionnels, de proximité valorisant le confort d’utilisation, la convivialité (réhabilitation, modernisation, construction nouvelle) en complément d’équipements standardisés, classiques, normés pour la seule compétition et envisager des espaces (ouverts, de libre accès) pour répondre à l’émergence d’une « urbanité sportive »15 et des lieux coïncidant avec les modes de vie actuels et leurs expressions dans des pratiques nouvelles (les espaces naturels de loisir sont par exemple des lieux de pratique pour les citadins).Être attentif aux demandes de pratiques nouvelles, supposera certainement de favoriser les coopérations intercommunales pour structurer les territoires, leur processus de décision dépend de la nature de la compétence assumée par l’établissement public de coopération intercommunal (principe de spécialité et d’exclusivité). Bien plus, il faudrait envisager selon J.P. Augustin « une urbanité flexible laissant à chacun la possibilité d’accéder à des lieux diversifiés, d’entrer en relation avec des groupes variés et de participer à des occasions de rencontres programmées ou non ». L’enjeu de l’appropriation de la ville par les usagers dépasse ici la simple volonté d’aménagement des espaces, la ville devenue attractive s’ouvre à de nouveaux espaces de liens sociaux, et l’activité physique en ville peut s’inspirer des sports de nature (salles d’escalade ludique). Dans les métropoles, cela revient à aménager des espaces publics et d’assurer la mixité des usages à des fins pour partie sportives (faciliter les mobilités terrestres et l’activité physiques des usagers)

o    En organisant des évènements sportifs et ludo-sportifs

o    En faisant la promotion de l’activité physique

o    En assurant la sécurité des pratiquants car la multiplication des pratiques inhabituelles, déambulatoires, acrobatiques pose le problème du partage des espaces. Il convient alors de sensibiliser à la non exclusivité spatiale, de construire l’usage citoyen, de sécuriser les espaces en appliquant normes et réglementations, en organisant l’affichage des obligations, la signalisation des dangers. Il faut aussi satisfaire les besoins de formations des animateurs et mettre à disposition des régulateurs pour éviter les problèmes de dégradation, de vandalisme, d’accidentologie, de climat dégradé, de discriminations (les plus jeunes, les filles, les communautés). L’entretien des installations publiques est aussi primordial. Le parc des sports Saint-Michel à Bordeaux créé en 2009 est un modèle « exemplaire » du genre

o    En envisageant la responsabilité des décideurs et des gestionnaires publics car le développement des pratiques inorganisées peut générer des risques liés aux pratiques, aux sites utilisés (responsabilités en tant que propriétaire ou gestionnaire du site), des risques d’atteinte à l’ordre public (sécurité et tranquillité publiques). Ceci suppose une bonne connaissance des publics, de leurs pratiques et usages.

La prise en compte des publics inorganisés dans la dynamique sportive de ce début de siècle et de la diversité des rapports aux corps, lieux et espaces qui accompagnent la société sportive aujourd’hui, infléchit toute forme d’action publique. Après avoir répondu à la démocratisation des pratiques en tentant de développer l’accès aux sports pour tous, les collectivités territoriales et leurs partenaires vont devoir assumer l’élargissement territorial des pratiques malgré un contexte budgétaire contraint.

  1. ^ Revue coordonnée par Gasparini M., « L’organisation sportive », Édition Revue EPS, 2003
  2. ^ UFOLEP, EJ une autre idée du sport, revue n° 432, 2010
  3. ^ Localtis.info, quotidien d’information en ligne des collectivités territoriales et leurs partenaires
  4. ^ Un club sportif peut être constitué soit d’une association seule, soit conjointement d’une association sportive et de la société qu’elle a créée pour la gestion de son secteur professionnel (régime fiscal spécifique).
  5. ^ Cours des comptes, rapport « Sport pour tous » 2013
  6. ^ Bayeux P., « guide de l’élu délégué aux sports, élaborer et piloter une politique sportive », PUS 2008
  7. ^ Gabet Fr., Fiches pratiques sportives « subventions aux associations… », Acteurs du sport n° 108, avril 2009
  8. ^ Gillet J.M., DGA des services, Fiches pratiques sportives « conventions avec les associations », Acteurs du sport n°153, novembre 2013
  9. ^ voir « Sport-Culture, une ambition éducative et citoyenne » Rencontres territoriales organisées par le CNFPT - INSET de Nancy sous le « haut patronage » du Ministère des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative en partenariat avec l’Agence pour l’éducation par le sport (APELS) et le quotidien « Le Monde », octobre 2012
  10. ^ Pociello Ch., « Structure et évolutions des loisirs sportifs dans la société française », rapport de recherche au MJS, septembre 1989
  11. ^ Enquête « Pratiques physiques et sportives en France 2010 », CNDS/ Direction des sports, INSEP, MEOS et Lefèvre Br. et Thiery P., Stat-info ; Jeunesse, Sport et Vie associative, n° 10-01- décembre 2010
  12. ^ Zouari A., « Le nouvel équipement sportif des villes : service de proximité et espace de liberté », Les annales de la recherche urbaine, n° 70, 1996
  13. ^ Augustin J.P., « Assiste-t-on à un rejet de la culture sportive traditionnelle ? », Agora débats/jeunesse n°16, 1999
  14. ^ SPORT ECO note d’analyse n°13- 3 mai 2018, ministère des sports- Direction des Sports- Bureau de l’économie du Sport
  15. ^ Escaffre Fabrice, « Espaces publics et pratiques ludo-sportives à Toulouse : l’émergence d’une urbanité sportive ? »Thèse de doctorat de géographie 2005
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