Par Frédérique Thomas

Dernière mise à jour : juillet 2018

1. Propos liminaires

La pédagogie est « l’art d’éduquer », le terme désigne les méthodes et les pratiques de l’enseignement et de l’éducation. Une méthode pédagogique décrit le moyen pédagogique adopté par l’enseignant pour favoriser l’apprentissage et atteindre son objectif pédagogique.

2. La pédagogie : le triangle

La pédagogie concerne l’ensemble des méthodes et des techniques d’enseignement destinées à assurer, dans les meilleures conditions possibles, la transmission ou l’appropriation du savoir, en fonction des données de la psychologie et de la physiologie enfantine.

  • Le triangle pédagogique

Dans une situation de classe, les relations présentes peuvent se représenter par un triangle.

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Schéma du triangle pédagogique de Jean Houssaye

Dans son modèle de compréhension pédagogique, Jean Houssaye définit tout acte pédagogique comme l’espace entre trois sommets d’un triangle : l’enseignant, l’élève, le savoir.

Derrière le savoir se cache le contenu de la formation : la matière, le programme à enseigner. L’enseignant est celui qui a quelques enjambées d’avance sur celui qui apprend et qui transmet ou fait apprendre le savoir. Quant à l’élève, il acquiert le savoir grâce à une situation pédagogique, mais ce savoir peut être aussi du savoir-faire, du savoir-être, du savoir agir, du faire savoir…

  • A préciser

La relation didactique est le rapport qu’entretient l’enseignant avec le savoir et qui lui permet d’enseigner.

La relation pédagogique est le rapport qu’entretient l’enseignant avec l’élève et qui permet le processus de formation.

La relation d’apprentissage est le rapport que l’élève va construire avec le savoir dans sa démarche pour apprendre.

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Le triangle pédagogique de Philippe Meirieu

3. La pédagogie : quelques repères

Seront abordés ici des auteurs ayant marqué l’histoire de la pédagogie, dont la connaissance est utile pour mettre en perspective les pratiques actuelles.

3.1 De grands précurseurs

Maria MONTESSORI (1870-1952) médecin. Elle a travaillé en psychiatrie avec des enfants "débiles", et elle se rend compte qu'ils ont besoin d'actions, de leurs mains, pour apprendre. 

Pour elle la pédagogie c’est "aide-moi à faire tout seul". L'observation de l'enfant amène l'enseignant à poser les gestes pour favoriser son apprentissage. Pour elle, chaque enfant est unique et traverse des périodes sensibles. Il faut également que le cadre soit adapté à ses besoins psychologiques, que son rythme propre soit respecté et de manière l'éveiller à la vie sociale.

Le matériel didactique est très important : "environnement préparé" avec un dessein intellectuel.

Mots clés: méthode, apprentissage de l'autonomie et de la discipline, situations concrètes et perceptibles. Sciences de l'éducation = science de l'observation

John DEWEY (1859 - 1952)

Considère que l'esprit humain continue d'évoluer pour s'adapter à son milieu. L’enseignement doit toujours s'enraciner dans l'action. Il condamne l'enseignement purement verbal et est l'initiateur de la pédagogie du projet : « learning by doing. ». C’est une pédagogie active, une démarche de projet :

  • les projets font émerger des besoins en termes d'apprentissage. Les élèves vont être en situation de recherche et d'auto-évaluation.
  • le bilan fait partie intégrante du projet ; production et présentation ; partage une partie du savoir avec les autres.

L'enseignant offre les outils et discute des méthodologies. Il aide au fonctionnement des groupes.

Célestin FREINET (1896 - 1966)

Il a fait l'école normale d'instituteurs. Mais blessé à la poitrine pendant la guerre, il ne peut enseigner de manière conventionnelle. Il a beaucoup voyagé et s'est inspiré de ses pairs. Pour lui, la classe est un atelier et ses fondamentaux s’expriment de la manière suivante :

  • travail et coopération dans l'apprentissage 
  • insertion de l'école dans la vie locale
  • développement de l'autonomie.

C’est une pédagogie originale, basée sur l'expression libre (texte libre, dessin libre, correspondance interscolaire, imprimerie et journal scolaire)

Fernand OURY (1920 – 1998) Fondateur de la pédagogie institutionnelle

Il adapte les techniques Freinet au contexte urbain et développe les principes suivants :

  • Faire respecter les règles de vie dans l'école.
  • Autonomie, environnement sécurisant,
  • la situation-problème permet de se heurter (ou non) à ses représentations.

Il installe le concept de « conseil de classe coopératif » : hebdomadaire, gère les conflits, les projets, les décisions à prendre.

3.2 Philippe Meirieu et la pédagogie différenciée

Selon lui, le rôle de l'école est à la fois d'instruire et d'éduquer, la finalité étant l'émancipation de l'élève et le développement de son autonomie. Tout enseignant est confronté à un certain nombre de contradictions :

  • l'enseignant (et plus globalement tout éducateur) doit s'efforcer de transmettre des normes sociales pour favoriser l'insertion de l'enfant dans la société. Mais il doit aussi lui apprendre à penser par lui-même et à examiner de manière critique les règles sociales existantes.
  • il existe de même une tension entre la nécessité de faire acquérir à l'élève des savoirs qui sont nécessaires à sa formation et la prise en compte de ses centres d'intérêt. En effet, tout apprentissage véritable nécessite la mobilisation de l'intérêt de l'élève. Seuls les savoirs scolaires faisant sens pourront être assimilés durablement. Il est donc tentant de promouvoir à l'école des thèmes ou des activités qui sont susceptibles de déclencher l'intérêt immédiat de l'élève. Cependant, en privilégiant les centres d'intérêt des élèves, l'enseignant risque de ne pas ouvrir à de nouveaux objets de connaissance et à de nouvelles pratiques culturelles. P. Meirieu résume le problème ainsi : « L'intérêt de l'élève est-ce ce qui l'intéresse ou plutôt ce qui est dans son intérêt ? Car de toute évidence, ce qui l'intéresse n'est pas toujours dans son intérêt et ce qui est dans son intérêt ne l'intéresse pas vraiment».

Pour expliquer, voire dépasser, ces contradictions, P.Meirieu met en avant le fondement éthique de l'éducation. Il énonce ainsi deux postulats qui sous-tendent l'acte éducatif :

  • le postulat d'éducabilité : toute personne est susceptible d'être éduquée, et je suis capable, en personne, de l'éduquer. C'est ce principe qui conduit l'enseignant à faire évoluer ses pratiques pédagogiques de manière à faire changer positivement les élèves, tant sur le plan cognitif que dans le domaine socio-affectif.
  • le postulat de liberté est le pendant du principe d'éducabilité. Dans les sociétés démocratiques, l'éducation ne peut être assimilée au dressage. Ses résultats sont donc incertains car en dernière instance, l'apprentissage est du ressort de l'élève.

P. Meirieu s’est illustré comme un pédagogue à contre-courant revendiquant des positionnements souvent à contrario des purs et durs de la discipline. Il n’a pas peur de remettre en cause les évidences, en tout cas d’apporter des choses nouvelles dans le paysage de la pédagogie et l’éducation.

Quelques exemples :

  • les « classes verticales » (mixage dans une même classe de plusieurs petits groupes d’élèves de niveaux et d’âges différents),
  • les « mini-collèges » (100 à 150 élèves maximum encadrés par une dizaine de professeurs avec une beaucoup plus grande autonomie dans les initiatives),
  • décloisonnement des filières,
  • mélanger les jeunes et les moins jeunes…

Selon ce pédagogue, il faut faire preuve de plus d’imagination et bien se dire que les compositions de classe, l’emploi du temps ou encore la notation, ne sont que des modalités qui concourent à la réussite et à l’épanouissement de l’élève dans la société. Elles ne sont pas figées.

P. Meirieu est très attaché également à ce qui l’appelle « la pédagogie différenciée ». Concrètement, il s’agit pour l’enseignant de multiplier les façons de se saisir du savoir. Il existe dans un groupe classe plusieurs modèles cognitifs et le but est de proposer différentes méthodes à l’élève pour qu’il comprenne ce dont on veut lui expliquer.

Ceci peut passer par : du travail en groupe/individuel, des méthodes inductives/déductives, des cours sur supports écrits/iconographiques/audiovisuelles…

D’autres notions sont très importantes pour P. Meirieu comme la construction de projets collectifs et interdisciplinaires (dans ce qu’il considère être une société de plus en plus individuelle). Pour lui le rapport qu’entretient l’enseignant avec l’élève est aussi important que le savoir enseigné. Ce rapport est primordial et c’est ce climat d’entente qui fait que le savoir se transmet.

Il utilise d’ailleurs à ce sujet le terme « d’entraîneur » plutôt que de « transmetteur » pour qualifier ce que devrait être l’enseignant. Une métaphore très intéressante de P. Meirieu consiste à comparer le contexte élève/enseignant à celui d’un mur d’escalade (dessin).

La pédagogie ou la métaphore de l’escalade1 :

  • l’enseignant assure, guide l’élève pour qu’il soit en confiance au cas où il rate une prise, c’est la première forme d’assurance
  • une bonne ambiance de la classe est une condition pour ne pas avoir peur de se tromper : c’est la deuxième forme d’assurance
  • il faut offrir suffisamment de prises à l’élève pour qu’il progresse aisément ; ces prises sont concrètement tout ce qui se rapporte à la didactique, à la méthodologie, les exercices, le terrain
  • l’élève doit monter seul, on ne peut monter à sa place

Cet auteur met avant tout l'accent sur le fait que chaque élève est différent et que les classes sont inévitablement hétérogènes. Face à cette hétérogénéité, il propose d'utiliser la pédagogie différenciée. De manière plus générale, il puise sa réflexion dans les écrits des pédagogues français tels Freinet, Fernand Oury...

En fait pour Philippe Meirieu, éduquer, c’est prendre en compte « l’élève-personne » en face, rendre possible quelque chose, créer un climat favorable entre l’élève et le professeur et c’est l’élève ensuite qui décide d’apprendre.

  • Pour aller plus loin :

« Enseigner, scénario pour un métier nouveau » Philippe Meirieu, ESF, 1995.

  1. ^ D’après P. Meirieu.
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